Jour après jour et un à un, mes bateaux de papier flottent sur la rivière, portés par le courant.
Sur leur coque, j'inscris en grandes lettre noires mon nom et celui du village où je demeure.
Quelqu'un là-bas, dans un pays éloigné, les trouvera, j'espère, et apprendra ainsi qui je suis.
Je charge mes petits bateaux de fleurs de shiuli cueillies dans notre jardin dans l'espoir que cette floraison de l'aube aura la bonne fortune d'aborder au pays de la nuit.
Quand j'ai lancé à l'eau mes bateaux de papier, je lève les yeux vers le ciel, et voilà que les petits nuages apprêtent leurs voiles blanches et bombées !
Quelque camarade joue-t-il avec moi de là-haut, les faisant partir sur le vent, pour courir avec mes bateaux ?
Quand la nuit vient, j'enfonce ma tête dans mes bras et je rêve que mes bateaux de papier voguent toujours, toujours plus loin, sous la clarté des étoiles de minuit.
Les fées du sommeil y voyagent et la cargaison, ce sont leurs paniers pleins de rêves !
Rabindranath Tagore
Les bateaux de papiers in La jeune Lune